dimanche 13 juillet 2014

Nous étions les Hommes - Gilles Legardinier





Quatrième de couverture :

Dans un grand hôpital d'Edimbourg, le docteur Scott Kinross et la généticienne Jenny Cooper travaillent sur la maladie d'Alzheimer. Alors que le mal progresse à un rythme inquiétant, frappant des sujets toujours plus nombreux, toujours plus jeunes, leurs conclusions sont effrayantes : si ce fléau l'emporte, tout ce qui fait de nous des êtres humains disparaîtra. Dans un monde où les intérêts financiers règnent en despotes, c'est le début d'une guerre silencieuse dont Kinross et Cooper ne sont pas les seuls à entrevoir les enjeux. 
Face au plus grand danger que notre espèce ait connu, l'ultime course contre la montre a commencé...


Mon avis :

Waou.

Ca résume assez bien mon sentiment sur ce bouquin.

Nous étions les Hommes envoie du lourd. Du sacrément lourd même. Immersion totale dans un scénario catastrophe sur l'Alzheimer qui fait froid dans le dos. Dès les premières pages on est happé dans l'histoire pour ne plus parvenir à la lâcher. Ce thriller sur fond médical est un petit chef d'œuvre littéraire. Oui, oui. A ce point là. Gilles Legardinier m'a embarqué dans son intrigue aux côtés de ses personnages, il m'a fait rire, il m'a fait peur, mais le mieux dans tout ça : il m'a fait aimé chacune des pages de ce roman.
Il faut dire que cette maladie est déjà terrifiante en soi, alors quand on extrapole son évolution et qu'on la transforme en machine de guerre de Dame Nature, y a de quoi se faire pipi dessus. Toute l'intrigue est centrée sur les affres de l'Alzheimer et ses conséquences sur les malades mais aussi leurs proches. Tout ça sur fond de business pharmaceutique et autres déboires de la société actuelle. Nous étions les Hommes n'est pas qu'un thriller qui a choisi de suivre la voie du fictif teinté de réalité. Non. Ce bouquin pose avant tout de vraies questions face aux problèmes d'une société qui ne pense qu'aux bénéfices souvent au mépris de la santé, de l'autoconservation, de la logique et, surtout du bien commun. En gros, Alzheimer n'est qu'un prétexte pour nous mettre face à nos propres contradictions et nos actes empreints de stupidité, d'égoïsme et d'indifférence la plus totale. Nous étions les Hommes c'est un peu la planète qui se rebelle contre l'être humain, et quand le vilain méchant de l'histoire intervient à grand renforts d'arguments sensés, on se surprend à penser qu'il a raison et qu'après tout, oui, pourquoi pas, laissons crever les humains histoire qu'ils arrêtent de détruire tout ce qu'ils frôlent. La maladie devient donc rapidement le reflet de nos erreurs, de nos manquements et sans passer pour une punition divine (Dieu merci sans mauvais jeu de mots), fait figure de sélection naturelle à laquelle on échappe depuis trop longtemps maintenant.
Gilles Legardinier nous offre en plus deux merveilleux compagnons pour cette lecture : Scott et Jenny. L'un docteur, l'autre généticienne, prêts à dégainer leurs statistiques terrifiantes sur les mutations de la maladie et ses nouveaux symptômes. Ce qui est bien avec ce roman, c'est qu'on est jamais largué au milieu de la masse d'informations médicales, à feuilleter le dico une fois toutes les trois phrases pour essayer de comprendre ce qu'on est entrain de lire. Non, non. Ici tout se passe avec fluidité, et malgré mon statut de profane, j'ai réussi à suivre, à intégrer, ce qui a rendu le tout bien plus agréable il faut le dire. En plus de ça, les personnages secondaires sont tout aussi géniaux que les principaux. On s'attache à eux, on se laisse séduire et, même si le vilain méchant a pas totalement tort, on a envie que ce soit nos petits chéris qui gagnent et finissent heureux.
Les descriptions de la maladie ont de quoi effrayer l'homme le plus aguerri. On assiste pas seulement à la détérioration de l'esprit mais aussi aux crises de violence, à la sauvagerie bestiale des victimes qui ne sont plus que des animaux puisque toute leur humanité s'est évaporée. Purement et simplement. J'ai adoré la mise en relief de certaines "connexions" qui continuent à se faire malgré la perte de toute conscience humaine : un jeune homme atteint de la pire forme de démence de l'Alzheimer, complètement sauvage, qui attaque tout ce qui bouge, tombe en quelque sorte amoureux de son infirmière et pleure quand ils sont séparés. Cela pose une question mais surtout un constat essentiel : on est bien mignon avec notre supériorité humaine mais les animaux sont, sur bien des points, à des milliards de kilomètres au-dessus de nous. Non parce que c'est bien joli d'inventer tous pleins de jolis gadgets censés améliorer nos vies, tout ça pour finir par les utiliser pour tuer nos congénères. Bref. Je m'égare.
En gros, Nous étions les Hommes se retrouve dans mon top 10 des thrillers favoris parce qu'il nous éprouve psychologiquement dans le sens où, quand on referme le livre, on a sacrément honte de l'humanité. Moi qui ai toujours rêvé de naître homme, j'ai revu mon opinion sur le sujet et désormais, je suis certaine de vouloir être un colibri.
Ouais je voulais être une licorne en vrai mais les couleurs pastels me vont mal au teint.

Ce bouquin nous plonge dans une course poursuite contre la montre, contre les méchants, contre les propres démons des personnages et aussi contre nous-mêmes. Les pages se tournent à une vitesse ahurissante, on s'essouffle, on trébuche, on se casse même franchement la gueule à certains moments, et puis on se relève comme par miracle, on tient le coup et on débouche sur un dénouement crédible, parce que c'est une fin ouverte et que, oui, Gilles Legardinier ne pouvait pas réellement prévoir un antidote miracle à l'Alzheimer ou une soudaine remise en question de la part des humains.


Après tout, c'est bien connu, l'homme se prend pour Dieu et Dieu a tous les droits.     



Ma note : 

20/20


Kaïken - Jean-Christophe Grangé






Quatrième de couverture :

Quand le soleil levant devient un soleil noir. Quand le passé devient aussi tranchant qu'une lame nue. Quand le Japon n'est plus un souvenir mais un cauchemar, alors, l'heure du kaïken a sonné.


Mon avis :

Kaïken c'est typiquement le genre de thriller où on plonge dans l'indicible et le pire de la nature humaine. Entre folie et monstruosité, entre échec existentiel et passion obsessive, Grangé arrive encore une fois à chambouler les codes qu'on connaît. Il est vrai que Kaïken est particulier de par son histoire et son écriture, et il est certain qu'il ne plaira pas à tout le monde. Personnellement, ça a été un vrai coup de cœur pour différentes raisons.
Déjà les personnages : une psychologie finement travaillée qui donne une réelle crédibilité aux personnages, des rôles bien définis qui ne tombent jamais dans la caricature, un antihéros qu'on aime et déteste tout à la fois, des personnages secondaires essentiels à l'évolution de l'histoire et, surtout, le parallèle entre deux cultures diamétralement opposées qui donne un sens particulier aux caractères et interactions.
La plume, elle, est définitivement celle du Grangé que j'aime depuis toujours : fluide, acérée, parfois brutale même mais empreinte d'une subtilité que je n'ai trouvé nulle part ailleurs. L'histoire ne plaira peut-être pas à tout le monde, certes, mais l'auteur est un maître dans son art, et son écriture me l'a prouvé une fois encore dans ce roman.
Et l'histoire d'ailleurs est aussi originale que dérangeante. Plusieurs intrigues qui sont toutes reliées entre elles par un fil conducteur commun : l'Accoucheur. Vrai méchant de thriller, psychopathe bien senti et qui a la particularité d'être hermaphrodite. Oui, oui. Vous ne rêvez pas. Du coup, l'aspect psychologique n'en est que plus renforcé, on patauge dans la folie de ce criminel et on s'embourbe dans ses délires fantasmagoriques. En gros, l'Accoucheur c'est un peu la mise en bouche d'une histoire qui met en évidence les mensonges et les faux semblants, la solitude et la terreur...Bref, autant d'émotions négatives qu'on se prend en pleine figure avec plus ou moins de force. C'est ce que j'ai adoré dans Kaïken : on trébuche sans jamais vraiment parvenir à se relever et on tourne les pages en attendant le K.O.
La vraie surprise de ce roman réside dans la mise en parallèle de la culture japonaise et française. On ne pouvait pas trouver plus différent et pourtant, Grangé lie ces deux cultures au travers de son personnages principal, Olivier Passan. Olivier qui idolâtre le Japon de façon presque effrayante parfois et qui, quoi qu'il fasse et qu'il pense, n'y comprend pas grand-chose. Olivier qui adore les principes du Japon ancestral, de ses samouraïs et leurs suicides pour l'honneur et qui n'accepte pas l'antagonisme de sa femme pour son pays d'origine. Là encore, j'ai adoré cette facette de l'histoire puisque on remarque assez rapidement que Passan n'a pas vraiment la tête sur les épaules. Il oubli qu'au Japon, la plupart des gens essayent de se défaire de cette culture qui les oppressent, que là-bas, la peur d'humilier sa famille pousse des enfants à se suicider et que les idéaux qui le font vibrer, ne sont plus tellement d'actualité. Passan est son obsession pour le Japon et sa loyauté envers la France. Un mélange qui aurait pu être détonnant s'il n'était pas aussi subtilement mené.
Grangé fait vivre ces deux cultures côte à côte tout au long du livre et happe son lecteur dans un univers qui parait irréel tant les disparités sont nombreuses et puissantes. L'histoire de l'Accoucheur devient donc vite un prétexte pour isoler les personnages dans leur propre petite bulle existentielle malsaine et les relations explosent, se ternissent, comme pour rappeler qu'aucun des personnages ne peut échapper à ses démons et à son égoïsme.


Encore une fois, Jean-Christophe Grangé parvient à dépeindre des personnages imparfaits, coincés dans une vision du monde altérée ou carrément limitée et dont les réactions nous dégoûtent autant qu'elles nous parlent. Kaïken n'échappe pas à la règle : l'auteur n'a pas besoin d'utiliser les monstres de nos pires cauchemars pour écrire un thriller magnifique, les humains sont les pires croque-mitaine qui soient.



Ma note : 

18/20