lundi 28 septembre 2015

Salos Taris - Pierre Gardier





Quatrième de couverture :

Salos Taris, chasseur de prime au spleen aussi éternel que son talent pour la gâchette, pose ses bottes usées sur les pavés humides de la ville planète New-Hope à la recherche de cibles et de réponses. Un contrat réussi en poche, il rencontre, au bordel du coin une femme étrange aux yeux de louve nommée Fate qui l’accueille en lui sondant son esprit fatigué. Après une nuit dans les bras d’une prostituée nommée Eva, une porte défoncée s’affale dans la chambre du bordel. La femme de la veille rentre suivi d’une unité. Les armes le fixent, des coups le calment. Maintenu au sol, on lui insère de force une puce organique dans la nuque en lui murmurant sa mission : récupérer un colis. Balancé dans une ruelle sale, il se relève et, de force, accepte. C’est le point de départ d’une aventure teinté de malchance, de violence et de cynisme. Le commencement d’un voyage dans les méandres de sa mémoire et de son identité. Tandis qu’en toile de fond, discret, se terre un ennemi immortel : une bête humaine qui resurgit peu à peu, nourrie de misère sociale et de ville-planète délaissée par une Fédération gangrenée.



Mon avis :

Pierre Gardier, mon cher monsieur, je te hais.

Voilà. C'est fait.

Pourquoi ? Parce que ton putain de roman fait uniquement 262 pages. Et je pleure. Je pleure parce que toutes les bonnes choses ont une fin, mais que celle-ci, vraiment, je ne la digère pas.

Salos Taris n'est pas qu'une ode à la science-fiction. Loin de là. Si vous voulez lire un remake bidonné de Série B, où de futurs GI Joe sous épinéphrine synthétisé jouent avec leurs gros calibres qui lâchent de la purée plasmatique, passez votre chemin. Direct. Là. Va-t-en. Je veux plus voir ta gueule.

Salos Taris est un petit bijou dans son genre. Pourquoi ? Parce que Pierre Gardier a une plume qui me parle. Un style direct, efficace, brutal. Des mots qui te collent à la peau et qui ne te lâchent pas. Sa plume est virulente et poétique. Acérée et fluide. Douloureuse et réconfortante. Elle te retourne les tripes de par sa justesse, sa précision. Elle décrit à la perfection toutes les choses dégueu' et sombres tapies à l'intérieur de toi et que tu n'arrives pas à nommer. Et Dieu seul sait qu'il y en a des choses crades à dire.

L'ambiance déjà. L'auteur pose les bases connues de la SF. Un décor crade, aux couleurs monochromes, sombres. Des paysages désolés partout où on pose le regard. Des planètes ravagés par l'occupation humaine ou alien. Bref. En gros, le futur donne pas envie hein. Ca pue la misère, la saleté et la mort.
Mais Pierre Gardier ne se contente pas de ça. Ses personnages donnent le ton eux aussi. Dans ce roman, Adieu le dégueulis de conformités sociales qui nous poussent à constamment confronter le Bien et le Mal. Oui, bon vent. Dans ce roman, pas de Bien et de Mal. Juste des personnages terriblement humains, rongés par leur propre égoïsme, leur propre impuissance et, surtout, leur propre insignifiance. Dans Salos Taris, ne t'attends pas à kiffer le héros. Non. Le héros est un petit(gros) salopiaud de premier ordre et c'est ce qui le rend génial.
Et pour finir, l'intrigue. On rentre direct dans l'histoire, ballotté par les événements, malmené par une trame sombre et prenante. Tout s'enchaîne rapidement, pas le temps de poser son cerveau sur la table de chevet pour réfléchir. Salos Taris est un bouquin qui se dévore, parce que le fond de l'histoire pose des questions dont on languit les réponses. Et quelles réponses !


Bref. Ce livre est un coup de cœur. Coup de cœur parce qu'il m'a réconcilié avec la SF moderne. Mais surtout, coup de cœur parce que je suis tombée amoureuse du style de Pierre Gardier.
Il faut me comprendre, je hais profondément l'humanité et Salos Taris est une ode au détestage de l'humain. L'auteur, sa plume, m'a foutu une claque dans la gueule. Il a ce talent fou : celui de transcender la laideur humaine. D'exposer les pires vices de ses personnages, leurs pires défauts et les actes les plus abjects dont l'être humain est capable. Il sait tirer profit de l'obscurité en chacun de nous, de nos instincts les plus vils, les plus profondément mauvais et parvient à nous titiller le sadisme là où ça fait du bien.
De plus, une des choses inhérentes à Salos et qui, moi, m'a touchée profondément, c'est ce spleen. Cette solitude vicieuse qui ronge l'âme et qui se rappelle à nous quand on s'y attend le moins. Cette mélancolie que Salos noie dans l'alcool mais qui touche beaucoup d'entre nous de façon différente. C'est aussi pour cela que malgré son imperfection, on ne peut qu'aimer Salos. Il est touchant, il est vrai, concret. Il a une dimension réelle et travaillée. Ce n'est pas juste un antihéros type-de-base. Non. C'est un prisme qui porte l'histoire sur ses épaules, qui fait office de point de référence par rapport aux autres personnages. En vrai c'est vraiment un salaud, mais c'est le moins pire de tous.
Son histoire d'amour d'ailleurs est magnifique. Pleine de vérité et d'esthétisme. Une petite étincelle de beauté dans cet univers qui suinte le désespoir et l'ignominie. C'est une bouffée d'air frais pour le lecteur tout autant que pour les personnages et pour cela, chapeau l'artiste.

En fin de compte, Salos Taris n'a rien du roman de SF que j'ai trop souvent lu et méprisé. Et heureusement. Dans ce bouquin, il n'y a pas que des guerres intergalactiques et des joujous futuristes qui émoustillent les frustrés du phallus. Non. Il y a un vrai contenu, un vrai message. En fait, Salos Taris, est un vrai roman post-apocalyptique. Le lecteur est constamment mis face aux déboires de la race humaine, ses erreurs qui se répètent sans cesse et sa pseudo-suprématie qui lui fait mouiller sa culotte d'éjac' grandioses. Dans ce roman, pas de répit pour les personnages ou le lecteur. On cavale, on s'essouffle, on se prend des claques dans la tronche, on se relève et on retombe aussi sec. C'est pour ça que tout marche, que tout fonctionne.

Je pourrais encore parler des heures de Salos Taris. De sa capacité à métamorphoser le désespoir en conviction. A changer le dégueulasse en poésie. A nous rappeler que l'insignifiance d'un homme se résume à ses choix et non à une fatalité injustifiée. Je pourrais vous dire que Salos Taris parvient à magnifier la Solitude. La vraie. Et qu'il la rend d'une beauté presque douloureuse. Douloureuse parce que véritable. Parce qu'après tout, on crèvera tous seuls. Seuls et tristes. On peut être croyant, ou pas. On peut ne pas avoir peur de la mort ou la craindre toute notre existence. La vérité c'est qu'il n'y a rien de beau dans la mort. C'est peut-être le commencement de quelque chose de nouveau, quelque chose de "mieux", mais ça reste avant tout une fin. Abrupte. Définitive. Incontournable.


Au final, ce roman nous rappelle à quel point la vie est une saloperie mais qu'il est facile de vivre. Le plus dur, c'est d'exister.



Merci Monsieur. 


Ma note :

20/20

(si je suis objective, non mais oh)

2 commentaires:

  1. Parfait. Dire que je dois ecrire une chronique dessus aussi, mais j'aurai jamais les mots aussi justes que Ca !

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